Pour ce deuxième webinaire Insight, le mercredi 23 mars 2025, quatre professionnels de la santé apportent leur éclairage sur la prééclampsie, une complication de la grossesse marquée par une hypertension artérielle et la présence de protéines dans les urines. Affectant de nombreuses femmes, cette pathologie soulève des enjeux majeurs en santé maternelle.

La prééclampsie : une illustration du concept de double fenêtre de la grossesse
Le webinaire a débuté avec l’intervention de Catherine Deneux, médecin, épidémiologiste, directrice de recherche à l’INSERM dans l’équipe OPPaLE du CRESS et codirectrice de iWISH. Après avoir présenté l’Institut Interdisciplinaire Santé des femmes et ses objectifs, Catherine Deneux a expliqué que la grossesse constituait une double fenêtre dans la vie d’une femme. D’une part, elle constitue une fenêtre de vulnérabilité, marquée par un risque de complications comme la prééclampsie ou les hémorragies. D’autre part, elle offre aussi une fenêtre d’opportunité, car le suivi prénatal les amène à être en contact étroit avec le système de soins, et constitue une occasion pour dépister des facteurs de risque ou des maladies; les femmes, soucieuses du bien-être de leur enfant, sont souvent plus enclines à adopter des comportements favorables à leur santé.
La prééclampsie, un marqueur de dysfonction d’organes
Vassilis Tsatsaris, professeur des universités-praticien hospitalier de gynécologie obstétrique à Port-Royal et codirecteur de iWISH, a retracé l’évolution des connaissances sur la prééclampsie. Autrefois considérée comme une maladie uniquement liée à un défaut de perfusion du placenta, elle est désormais reconnue comme une pathologie multifactorielle. Les troubles de l’oxygénation (maladies respiratoire, apnée du sommeil), le vieillissement prématuré du placenta (sénescence placentaire), les grossesses multiples, l’activation de la coagulation entrainant des thromboses intraplacentaires ou encore certaines infections peuvent induire une dysfonction placentaire à l’origine de la prééclampsie. Par ailleurs, la prééclampsie est un facteur de prédisposition aux maladies cardiovasculaires à long terme en lien avec une dysfonction d’organes (foie, rein, poumon, cerveau)
Modèles expérimentaux pour explorer les complications à long terme de la prééclampsie : Enjeux et Perspectives
Hélène Collinot, obstétricienne à la maternité de Bicêtre et docteur en Sciences à l’institut Cochin évoque les complications à long terme de la prééclampsie en présentant les modèles expérimentaux utilisés. Parmi les complications à long termes on distingue trois types : neurologiques, cardiovasculaires et rénales. Pour étudier ces complications, des modèles animaux sont utilisés. Le rat et la souris détiennent des placentas dit hémochoriaux. Ils ressemblent aux placentas humains. D’autre part, ces modèles permettent de suivre toute la gestation sur le long terme.
Hélène Collinot expose trois modèles d’études : le modèle RUPP (Reduced Uteroplacental Perfusion Pressure), le modèle transgénique du système rénine-angiotensine et le modèle STOX1A. Sur ce dernier modèle, l’effet à long terme sur le cerveau a été étudié en utilisant des techniques innovantes de l’Institut Cochin et notamment la transcriptomique spatiale. Des analyses préliminaires montrent des dérégulations de l’expression des gènes du domaine de l’épileptogenèse et des maladies neurodégénératives. Des analyses complémentaires sont prévues pour approfondir ces résultats et notamment évaluer l’effet protecteur de certains traitements comme l’aspirine et le sulfate de magnésium.
Complications maternelles à distance d’un désordre hypertensif de la grossesse : Résultats marquants de la cohorte CONCEPTION
Grégory Lailler, médecin à Santé Publique France, présente les résultats de la cohorte CONCEPTION. Cette étude vise à mieux comprendre l’épidémiologie des maladies cardiovasculaires et hypertensives chez les femmes enceintes, ainsi que leurs complications après la grossesse. La cohorte inclut tous les accouchements survenus en France (hors Mayotte) entre 2010 et 2018, soit 4,5 millions de femmes, suivies jusqu’en 2021. Et cette cohorte utilise les données du Système national de données de de santé (SNDS). Les résultats montrent un lien entre certaines complications de la grossesse et le risque de développer des maladies chroniques. Plus précisément :
Les femmes ayant eu une prééclampsie présentent un risque 8 fois plus élevé de développer une hypertension artérielle.
Les femmes ayant présenté un diabète gestationnel, associé à une prééclampsie et à une hypertension artérielle, ont un risque 4 fois plus élevé de développer un diabète après la grossesse.
Le risque de survenue d’un événement cardiovasculaire (AVC, insuffisance cardiaque, embolie pulmonaire) ou de maladie rénale chronique est également plus élevé après une prééclampsie.
Enfin, un lien entre prééclampsie et démence précoce a également été mis en évidence. Ce résultat, est à interpréter avec précaution en raison du faible nombre de cas (128 cas dans la cohorte totale dont 9 chez des femmes ayant eu une prééclampsie).
Au regard des résultats de ces recherches, l’objectif est de sensibiliser les professionnels de santé sur ces complications et de tirer parti de la grossesse comme moment privilégié pour informer les femmes sur la prééclampsie et ses conséquences.
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