Le mercredi 11 juin 2025, l’Institut Interdisciplinaire Santé des Femmes – iWISH a organisé un webinaire consacré à la santé gynécologique, en particulier à l’endométriose. Cette maladie chronique se caractérise par la présence de tissu semblable à celui de l’endomètre – normalement localisé à l’intérieur de l’utérus – en dehors de celui-ci. Implanté à des endroits inhabituels (comme les ovaires, les trompes ou le péritoine), ce tissu réagit aux variations hormonales du cycle menstruel et provoque une inflammation chronique. La rencontre a proposé une approche interdisciplinaire de l’endométriose, en croisant les savoirs scientifiques, les analyses sociologiques et les vécus des patientes.

Atouts et limites des modèles d’études pour la compréhension de la physiopathologie de l’endométriose, une maladie inflammatoire complexe et hétérogène

Ludivine Doridot (Université Paris Cité, Inserm, Institut Cochin), chercheuse en biologie expérimentale, présente les avancées de son équipe sur la compréhension de la physiopathologie de l’endométriose, une maladie qui touche une femme sur dix et peut se caractériser par des douleurs chroniques et des troubles de la fertilité. Elle souligne l’importance de mieux comprendre les mécanismes d’apparition des lésions pour améliorer la prise en charge des patientes. Plusieurs modèles sont utilisés : des souris, des cultures cellulaires en 2D issues de cellules dérivées de l’endomètre de patientes, ainsi que des modèles en 3D élaborés à partir de cellules provenant de l’endomètre ou du sang menstruel. Ces recherches explorent notamment l’influence du système immunitaire, des hormones thyroïdiennes, de l’alimentation et du microbiote sur la maladie. Des travaux portent également sur les effets de l’endométriose pendant la grossesse. Par ailleurs, la chercheuse présente MultiMENDo, un projet européen visant à collecter du sang menstruel de personnes atteintes ou non d’endométriose afin, notamment, de développer des modèles 3D. Ces modèles seront combinés à des cellules immunitaires afin d’explorer leur potentiel thérapeutique. Les avancées de la recherche sur l’endométriose permettront probablement de mieux comprendre les mécanismes impliqués dans d’autres pathologies gynécologiques fréquentes, telles que l’adénomyose ou les fibromes utérins.

Recherches en sciences sociales sur l’endométriose : expériences, expertises et prise en charge

La sociologue Anne-Charlotte Millepied (Institut des Etudes Genre – Université de Genève), revient sur la manière dont les sciences sociales se sont saisies de l’endométriose. Elle montre que cette maladie chronique, bien qu’ayant des points communs avec d’autres, a des spécificités fortes : touchant majoritairement des femmes jeunes, elle entraîne des conséquences sur les parcours de vie et la construction de soi des femmes concernées. Anne-Charlotte Millepied souligne aussi l’importance des rapports de genre dans la compréhension de la maladie. De plus, l’endométriose se caractérise par une grande difficulté à accéder au statut de malade : longtemps méconnue, l’endométriose peine à être reconnue médicalement, ce qui se traduit notamment par un délai de diagnostic long.
Les recherches en sciences sociales sur l’endométriose ont mis du temps à émerger. Les premiers travaux ont défini cette pathologie comme une maladie genrée, mais ont également montré qu’elle s’inscrit dans des structures sociales de classe et de race. Ainsi, l’endométriose a longtemps été qualifiée de « career women’s disease », autrement dit une maladie touchant principalement des femmes blanches, issues des classes moyennes ou supérieures. Cette représentation laissait entendre qu’elle était la conséquence de l’émancipation des femmes, de leur entrée dans le monde du travail et du report de l’âge de la première maternité.
Certains travaux montrent que la récente visibilité publique de l’endométriose est liée à l’action des associations de patientes et à des dynamiques féministes, ayant conduit à faire de la maladie non seulement un enjeu de santé publique, mais aussi un enjeu de la cause des femmes.
Les recherches actuelles portent sur une diversité de sujets, et notamment sur les expériences des femmes atteintes, mais peinent encore à documenter les effets des inégalités sociales sur les parcours de vie et de soin.

Endométriose et travail : concilier l’invisible et l’exigence professionnelle

Ameline Condamine, présidente de l’association EndoFrance, souligne l’impact majeur de l’endométriose sur la vie personnelle comme professionnelle. Entièrement composée de bénévoles, l’association mène plus de 700 actions chaque année, dont de nombreuses en entreprise, et soutient activement la recherche sur la maladie.
En 2020, EndoFrance, en partenariat avec Ipsos et Gedeon Richter, a mené l’étude EndoVie auprès de plus de 1 500 personnes. Les résultats révèlent l’ampleur des conséquences de l’endométriose sur le quotidien, la vie intime, sociale et professionnelle des femmes concernées : 65 % des répondantes déclarent une incidence de la maladie sur leur travail ; 1 femme sur 2 affirme avoir été freinée dans sa carrière.
Ameline Condamine insiste sur l’importance d’aménagements professionnels adaptés, tels que l’information et l’implication des services de prévention et de santé au travail, la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH), la révision du temps de travail, le recours au télétravail -lorsque cela est possible-, l’amélioration de l’ergonomie, ou encore la mise en place de temps partiel thérapeutique.
Elle insiste sur la nécessité d’une sensibilisation des employeurs et d’une politique inclusive en milieu professionnel. Reconnaître l’endométriose dans le monde du travail, c’est non seulement améliorer le bien-être des salariées concernées, mais aussi renforcer la performance collective des entreprises.

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